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Michel Deléan - Mediapart

ven. 14 janv. 2011

Tarnac: une reconstitution pour rien

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Tarnac : une reconstitution pour rien
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Les avocats de Julien Coupat et d'Yildune Lévy, membres du fameux «groupe de Tarnac» soupçonnés d'avoir saboté une caténaire de TGV, montrent à nouveau les dents. Devant faire face à une instruction démarrée au pas de charge et sous la pression de l'exécutif, pour des faits qualifiés de terroristes, mais qui a accouché d'un dossier quasiment vide de preuves et entaché d'erreurs qui ressemblent fort à des trucages, Thierry Lévy, William Bourdon et Jérémie Assous concentrent aujourd'hui leur tir contre le juge d'instruction Thierry Fragnoli : ils menacent de lancer une demande en récusation du magistrat, dont ils mettent ouvertement en doute l'impartialité.

 

Les avocats de la défense, qui bataillent dur contre les spécialistes de l'anti-terrorisme (la SDAT, le parquet de Paris et le juge d'instruction), avaient demandé de longue date une reconstitution des faits. Ils ont fini par obtenir du juge Fragnoli une simple «mise en situation», qui s'est déroulée dans la nuit de jeudi à vendredi dans la région de Dhuisy, en Seine-et-Marne.

 

«Malgré l'incroyable déploiement de policiers et de militaires, avec la présence d'un hélicoptère, le juge n'a même pas convoqué les témoins auxquels nous avions des questions à poser, c'est-à-dire les policiers qui avaient pris Yildune et Julien en filature», s'indigne Thierry Lévy, contacté par Mediapart. Fulminant, il dénonce «un véritable simulacre de reconstitution».

 

Pis : les avocats ont appris que ces mêmes policiers avaient été entendus «en catimini» par le juge, le 4 janvier dernier, sans qu'il leur soit possible de leur poser des questions qui fâchent. Une atteinte aux droits de la défense, accusent-ils. Selon Thierry Lévy, l'intention des magistrats dans ce dossier «n'est pas d'examiner les points critiques mais de verrouiller la discussion». Ainsi, «au lieu de reprendre l'intégralité de la scène, dans sa dynamique, et en présence de tous ses acteurs, le juge Fragnoli s'est contenté d'examiner deux points». Il s'agissait de vérifier si les saboteurs présumés avaient pu agir à l'aide d'une lampe frontale (Julien Coupat en possédait un emballage) et si les policiers avaient pu suivre la voiture de Coupat à distance, depuis un autre chemin, pour ne pas se faire repérer, comme ils l'assurent. «Pour nous, qui avons essayé, avec une petite route sinueuse, dans une région vallonnée et boisée, c'est impossible», affirme Thierry Lévy.

 

 

Les mystères de la caméra thermique

Le juge a refusé plusieurs demandes pendant le transport sur les lieux. «Par exemple, il n'a pas voulu vérifier si, à la distance ou les policiers ont dit qu'ils se trouvaient, ils pouvaient voir que les caténaires avaient été éclairées par les saboteurs. Les policiers ne l'ont pas indiqué, mais pour nous c'est une évidence.»

Autre incident : une caméra thermique a été utilisée pour la reconstitution nocturne, «mais nous n'avons aucune indication permettant de savoir s'il s'agit ou pas du matériel d'intensification de lumière qu'évoquent les policiers dans leur procès-verbal. De toute façon, avec cette caméra thermique, si les policiers avaient effectivement identifié la voiture de Julien Coupat, comme ils le prétendent, ils auraient forcément reconnu les gens qui se tenaient autour. Or ils n'en ont pas parlé», assène Thierry Lévy.

Le juge a refusé plusieurs demandes pendant le transport sur les lieux. «Par exemple, il n'a pas voulu vérifier si, à la distance ou les policiers ont dit qu'ils se trouvaient, ils pouvaient voir que les caténaires avaient été éclairées par les saboteurs. Les policiers ne l'ont pas indiqué, mais pour nous c'est une évidence.»

Autre incident : une caméra thermique a été utilisée pour la reconstitution nocturne, «mais nous n'avons aucune indication permettant de savoir s'il s'agit ou pas du matériel d'intensification de lumière qu'évoquent les policiers dans leur procès-verbal. De toute façon, avec cette caméra thermique, si les policiers avaient effectivement identifié la voiture de Julien Coupat, comme ils le prétendent, ils auraient forcément reconnu les gens qui se tenaient autour. Or ils n'en ont pas parlé», assène Thierry Lévy.

 

 

A 160 à l'heure, de nuit sur une petite route

Les avocats du groupe de Tarnac ont ferraillé à plusieurs reprises, ces derniers mois, pour démonter la procédure. Mais fin octobre, la cour d'appel de Paris a rejeté l'ensemble de leurs demandes d'annulation.

 

Dix personnes sont mises en examen pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» dans cette affaire de sabotage. Selon les enquêteurs, Julien Coupat et Yildune Lévy se trouvaient ensemble en voiture sur la commune de Dhuisy la nuit où les dégradations ont eu lieu – entre le 7 et le 8 novembre 2008 – et se sont arrêtés à proximité de la ligne TGV-Est pendant une vingtaine de minutes, vers 4 heures du matin.

 

Au passage du premier train, à 5 heures du matin, une simple gerbe d'étincelles avait été observée. C'est plus tard dans la journée qu'on découvrait un sabotage assez sophistiqué de la ligne électrique, commis avec un crochet constitué de morceaux de fers à béton. On ignore par quel procédé ce crochet a pu être déposé au bon endroit sans que les saboteurs s'électrocutent.

 

Quoi qu'il en soit, selon les avocats du «groupe de Tarnac», les policiers chargés de la surveillance ne pouvaient être à Dhuisy à l'heure indiquée sur le PV, car cela impliquerait qu'ils aient voyagé à plus de 160km/h pendant une dizaine de minutes pour parcourir le trajet depuis Trilport...

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