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KARL LASKE / Photos Marc Chaumeil

lun. 2 nov. 2009

L’instruction se dégonfle, pas la pression politique

Le juge est mis en difficulté par les questions de la défense.

Pour une fois, le juge d’instruction Thierry Fragnoli devrait instruire à décharge. Les éléments réunis par les avocats des neuf mis en examen de Tarnac mettent en évidence «des anomalies et des contradictions dans l’enquête de police» qu’il ne pourra ignorer. «Il y a des incompatibilités spatiales et temporelles, analyse Me William Bourdon, l’un des avocats. Cela suggère un maquillage, une reconstitution a posteriori. Qu’a-t-on voulu cacher ?» Le comportement des services d’enquête, et «l’authenticité de certaines pièces» sont désormais en cause, notamment le premier procès-verbal de filature de Julien Coupat et d’Yildune Lévy par la Sous-direction antiterroriste de la police judiciaire (SDAT), la nuit des sabotages. Les avocats vont réclamer au juge Thierry Fragnoli de «se faire communiquer l’identité du policier qui prétend avoir vu un individu sur la voie ferrée» sur le procès-verbal de la gendarmerie, et d’autre part «de demander à l’auteur du procès-verbal de la SDAT pourquoi ce fait essentiel n’est pas mentionné». Ces anomalies devraient, logiquement, provoquer l’audition des fonctionnaires concernés, et une remise à plat, voire une reconstitution des faits.

Quelle que soit la portée du travail de déconstruction du dossier par la défense, la pression politique reste forte. L’ex-ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie, qui avait annoncé les arrestations en temps réel, le 11 novembre 2008, est aujourd’hui garde des Sceaux. En mai, le juge Fragnoli a rejeté la «requête en déclaration d’incompétence» déposée par les avocats, et visant à requalifier les faits - «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» - pour lesquels les neuf restent mis en examen. Jean-Claude Marin, le procureur de la République qui estimait, sans preuve, en 2008, qu’il n’était «pas exclu que ce groupe ait envisagé des actions plus violentes et notamment contre les personnes», soutient toujours l’accusation. Pour s’opposer à une requalification des faits, le procureur signalait «la concordance troublante d’éléments» laissant «présumer la participation de certains membres du groupe» aux actions de sabotage, ou même seulement «l’intention» de le faire. Certains d’entre eux fêtaient en effet leurs 30 ans, un autre partait en voyage pour l’Angleterre… Mais ces «éléments troublants» étaient «reliés à l’ouvrage l’Insurrection qui vient», un essai politique attribué au groupe de Coupat et qui «pouvait être considéré comme le support idéologique de ces actes». Le juge reprenait l’argument, reprochant à l’un des neuf la découverte chez lui de «22 exemplaires de l’Insurrection qui vient encore sous plastique dans un grand sac noir».

Malgré la remise en liberté de Julien Coupat en mai, le magistrat a maintenu strictement les mesures de contrôles judiciaires sur l’ensemble du groupe. Il a refusé l’autorisation à Mathieu et Aria de résider provisoirement sur Paris, où leur jeune fils devait subir une greffe de moelle osseuse, les obligeant à repousser la greffe pour qu’elle puisse se dérouler à Rouen, où ils résident. Manon ne peut circuler que dans la région Limousin et il lui est interdit de résider à Tarnac, où vit et travaille son époux. Benjamin est contraint de loger dans la Manche, où il n’a jamais habité. Julien Coupat et Yildune Lévy se sont mariés, mais ils ne peuvent quitter la région parisienne.

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