Un nouveau round commence dans le combat qui oppose le groupe de Tarnac" à la police et aux juges. Après avoir demandé la requalification des faits en simples sabotages - refusée en mai 2009 -, l'annulation de pièces de la procédure - refusée en octobre 2010 -, et la réalisation d'actes d'enquête qui pourraient les disculper - refusée -, les mis en examen passent à l'étape supérieure. Selon nos informations, ils ont décidé de déposer trois plaintes (contre X mais visant les policiers de la sous-direction antiterroriste, la Sdat) pour interceptions illégales, subornation de témoin et surtout faux et usages de faux en écriture publique. Julien Coupat et Yldune Lévy espèrent démontrer devant la justice que le procès verbal de leur filature, dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008, et les versions policières successives tendant à le contredire constituent une manoeuvre de ta Sdat pour affirmer leur culpabilité sans preuve. Cette nuit-là, une vingtaine d'agents de la Sdat et de ta DCRI suivent une Mercedes occupée par « deux membres de la mouvance anarcho-autonome », en Seine-et-Marne. lls voient le couple s'arrêter dans une pizzeria, dormir dans la voiture à Trilport puis reprendre la route avant de stationner près d'une voie ferrée sur la commune de Dhuisy. Puis, leur véhicule retourne à Paris. Au petit matin, près du lieu où s'était garée [a Mercedes, le passage du premier TGV provoque une gerbe d'étincelles qui attire l'attention des policiers. Les suspects sous surveillance ont-ils commis un acte de sabotage ? Sur la foi du procès-verbal de filature, désormais connu sous le nom de "PV 104", Julien Coupat et Yldune Lévy sont arrêtés, mis en examen et écroués pour direction d'une association de malfaiteurs à vocation terroriste. ll n'y a eu ni morts ni blessés, aucun train n'a déraillé. Ni photos sur les lieux, ni traces ADN, ni aveux ne viennent prouver leur culpabilité. Deux ans et demi après l'ouverture de l'enquête, dix personnes sont mises en examen. Le récit de cette nuit varie selon les policiers interrogés et les contradictions apportées par la défense. Le déroulement de ces quelques heures reste si flou que le juge d'instruction a exigé des policiers, un an après les faits, qu'ils s'expliquent sur le compte-rendu. Ils ont rendu leur rapport en juin. "Les nouvelles pièces d'exécution, qui devaient 'préciser' certains points incohérents de l'enquête de police, n'ont ajouté que de nouvelles invraisemblances", estiment les avocats des mis en examen. Montage policier ou travail de cochon ? En tout cas, le résultat décrédibilise largement le professionnalisme de la police antiterroriste. Les impossibilités temporelles, incohérences et questions sans réponses ont donc décidé Julien Coupat et Yldune Lévy à porter plainte pour faux et usages de faux en écriture publique. Ce crime, s'il est commis par des personnes dépositaires de l'autorité publique, peut être puni de quinze ans de prison et 225 000 euros d'amende. lls portent aussi plainte pour subornation de témoin : une connaissance de Coupat avait anonymement témoigné contre eux avant de se rétracter, partant de pressions policières. Une plainte pour des écoutes illégales de l'épicerie de Tarnac, effectuées avant Le début de l'enquête préliminaire et découvertes par hasard par un agent de France Télécom, complète le tableau.
1. une nouvelle preuve opportune
Quelques jours avant le dépôt des plaintes dont nous avons eu connaissance, Le Nouvel Obs se fait ['écho d'une nouvelle piste, opportunément communiquée par les enquêteurs. En février 2010, la brigade fluviale fouille la Marne, à 20 kilomètres des voies TGV. Elle y trouve deux tubes en PVC longs de deux mètres qui, emboîtés ['un dans l'autre par un manchon recouvert d'adhésif, aurait servi de perche pour hisser [e crochet sur la caténaire. Pas d’ADN, des "éléments matériels" bien tardifs, peu importe : selon la police, [e couple se serait débarrassé de ces tubes dans la rivière [ors d'un arrêt sur [a route du retour. Plusieurs questions demeurent : pourquoi fouiller la Marne plus d'un an et demi après les faits ? Comment attribuer à Julien Coupat, qu'aucun policier n'a vu sortir les perches et les jeter à l'eau, l'achat en espèces de ces objets, lors d'un instant où i[ aurait échappé à La surveillance ? Pourquoi la police ne mentionne-t-elle que maintenant l'existence d'une balise GPS sur la Mercedes, dispositif illégal s'il n'est pas autorisé par un juge ?
2. un témoin sous pression ?
Alors que les saboteurs présumés sont en garde à vue, en novembre 2008, [a SDAT procède à l'audition d'un témoin sous X, dont la presse révèle plus tard l'identité : Jean-Hugues Bourgeois, un éleveur bio du Puy-de-Dôme. Dans sa déposition, il décrit le groupe de Tarnac comme « un groupe à caractère sectaire dont les membres ont été endoctrinés par Julien Coupat (...) Ce dernier souhaite le renversement de l'Etat par le biais d'actions de déstabilisation qui auraient pu aller jusqu'à des actions violentes". Un mois plus tard, entendu sous sa véritable identité, il se rétracte. Dans un entretien accordé à TF1 en novembre 2009, Bourgeois explique que sa déposition sous X a été sollicitée par la Sdat, et qu'il a signé une déclaration préparée à l'avance. Ces éléments motivent la plainte de Julien Coupat et Yldune Lévy pour subornation de témoin, détit passible de trois ans de prison et 45 000 euros d'amende.